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Dans la bonne direction, chaque pas est un voyage

Le shaman dit:

« Vous ne devez pas manger de viande de vache …. Pensez au pauvre bœuf. Un animal fort et charmant. Il aide les hommes au travail des champs et sur les chemins. Pour le manger vous devez le tuer. Cette viande entre en vous et vous transforme, vous aussi, en un assassin. »

(1) Un Devin m’a dit, Tiziano Terzani

J’ai décidé, il y a quelques années déjà, de ne plus consommer de viande de bovidés.  Il n’est pas nécessaire de justifier ou même d’expliquer ce choix dont le fondement n’est ni un dogme ni un endoctrinement, rien d’ésotérique, mais une banale réflexion personnelle. Malgré sa portée pratique limitée, l’intention est positive et, «dans la bonne direction, chaque pas est un voyage».

L’année du bœuf (2) me donne l’opportunité de faire une apologie de cet animal symbolique et de

Lannée du boeuf

L'année du boeuf

démystifier ma résolution. Celle-ci ne fut pas sans conséquences sur mon entourage. Mes amis s’en sont amusés et ont adapté, en ma présence, certaines habitudes gastronomiques, jusque dans la sélection des restaurants. Ils ont accepté ce changement sans scepticisme, railleries ou prosélytisme.

Ma détermination remonte à une époque ou sévissait  une épidémie de « vache folle ». Il n’y avait pour moi aucune relation avec cette épizootie, cependant, la crainte de contracter la maladie de Creutzfeldt-Jakob était un à priori admissible pour renoncer à manger du bœuf.  Personnellement, j’étais géographiquement éloigné et sanitairement peu sensibilisé aux ravages d’une maladie ayant surtout touché le Royaume-Uni.

A postériori, je découvre de nombreux arguments militant en faveur d’une réduction de la consommation de viande en général. Ces éléments n’ont cependant joué aucun rôle dans ma décision, fondée uniquement sur une  anecdote de vie quotidienne.

Lors de ballades dans la campagne thaïlandaise, j’arrête souvent ma moto pour admirer et photographier les rizières aux contours aléatoires et dont les nuances de couleurs, les reflets et les

En famille

En famille

ondulations ne cessent de m’émerveiller. Un peu partout, des familles de paysans s’affairent et ponctuent le paysage de leurs costumes indigos. Au bord des sentiers, quelques huttes, aux toits couverts de larges feuillages, offrent un abri précaire pour se reposer et manger. Il suffit de s’approcher pour être gratifié de larges sourires et toute question liée au repas déclenche immédiatement l’offre de le partager. Le penchant des agriculteurs à consommer toutes les sortes de protéines animales, des plus rampantes aux plus ailées, me font généralement renoncer à accepter cette charmante coutume. Il suffit alors de tapoter son ventre pour signifier que l’on sort de table et que l’on est “rempli”.

Sans aller jusqu’à la dégustation, mon intérêt se porte sur le contenu des plats. Traditionnellement, la nourriture était enveloppée dans des feuilles de bananiers, le modernisme les a cependant remplacées par des sachets en plastique. Un brouhaha joyeux m’introduit aux délicatesses du jour et aux variantes saisonnières, disponibles selon le succès des chasses et cueillettes. La communication se fait par rires et onomatopées complices, ponctuées par les questions: “tu manges ça?”.  Avec un peu d’habitude, tout peut se manger. Les rongeurs, habitant des rizières, et certains insectes, sont des délicatesses. Si un peu d’argent est disponible, les poules, canards, cochons et crevettes améliorent également l’ordinaire. Pointant du doigt une bête de somme, je m’attire des moues réprobatrices. Non! Pas de bœuf, c’est un péché, cet animal a de la valeur, il nous apporte son aide dans les champs et sur  les routes.

En occident, nous ne consommons pas nos animaux familiers, chiens et chats sont épargnés, parfois

Un animal utile

Un animal utile

même les lapins, tortues et autres compagnons de jeux. Un agriculteur d’Asie peut avoir des dispositions similaires envers ses animaux de somme. Son respect du buffle, de la vache et des autres bovidés à une valeur à la fois pratique et sentimentale.  Ce n’est pas seulement un enseignement du Bouddha (3), qui protège tout organisme vivant, mais une conviction personnelle ancrée dans le cœur de beaucoup de paysans.

Cette attitude m’a séduite et je l’ai adoptée. Il ne s’agit pas d’une renonciation importante, cependant nulle pierre n’est trop petite pour construire un chemin, nul apport insignifiant si l’intention est positive, «dans la bonne direction, chaque pas est un voyage».

Ultérieurement, quelques recherches et lectures consacrées à l’environnement ont renforcé ma

Un ami de lhomme

Un ami de l'homme

conviction de l’opportunité de mon choix. La viande de bœuf a un très mauvais bilan de transformation des protéines végétales en protéines animales. Le processus est également intensif en utilisation d’eau et l’extension de l’élevage bovin a des effets catastrophiques dans certains pays. Au Brésil, il contribue largement à la destruction de la forêt amazonienne (4,5). Peut-être plus humoristique, une sérieuse étude du gouvernement Australien préconise le remplacement de la viande de bœuf par celle des kangourous. Les bovidés émettent en effet des quantités importantes de méthane, un gaz polluant pour l’atmosphère (6).

Récemment, le film « Home » de Yann Arthus-Bertrand (7) a mis en évidence, pour un vaste public, les nuisances de certains excès. Parmi les exemples cités il y a la consommation de 30’000 litres d’eau, pour la production d’un seul kilo de viande de boeuf, et l’utilisation de la moitié des céréales commercialisées dans le monde pour la nourriture des animaux et la production de fuel.

Finalement, il faut également distinguer les interdits religieux, notamment dans l’hindouisme. Les

Vache protégée en Inde

Vache protégée en Inde

fondements sont similaires car la vache a été protégée par les brahmanes pour son utilité et son symbole de source de vie. Il est donc tabou de tuer cet animal. Pour les agriculteurs, par contre, il ne s’agit pas d’un interdit mais d’un sentiment de compassion. Cette approche m’a séduite, il y a quelques années déjà. Bien sûr c’est un très petit pas. Devenir complètement végétarien serait peut-être mieux, et d’ailleurs … pourquoi pas?

(1)  A Fortune – Teller Told Me, Tiziano Terzani, Flamingo 1998

(2)  Une nouvelle année chinoise a commencée le 26 janvier 2009 et se termine le 13 février 2010. Cette année est placée sous le signe du buffle (ou bœuf), l’un des 12 animaux du zodiaque chinois.

(3) Cette attitude n’est pas commandée par le bouddhisme qui interdit de tuer mais non pas de consommer la plupart des viandes, si l’animal n’a pas été tué spécifiquement pour être offert en repas au moine.

(4) Three or four reasons why eating beef might become the subject of open social disapproval:

  • its highly energy-intensive (the energy required to produce one kilogram on a table in the UK is among the highest for any foodstuff)

  • its water consumption is big (instant data from Fred Pearce’s book: 11,000 litres “to grow the feed for enough cow to make a quarter pound [100g] hamburger” – compared with 500 litres for a kilo of potatoes)

  • commercial beef ranching creates a monoculture – and can even lead to desertification of the area.

http://thenextwavefutures.wordpress.com/

http://thenextwavefutures.wordpress.com/2007/05/24/beef-starting-on-the-road-to-disapproval/ (accessed in September 2009)

(5) Because the conversion efficiency of feed to meat is so low in cattle, there is no more wasteful kind of food production. British beef producers would be extinct were it not for subsidies and European tariffs. Brazilian meat threatens them only because it is so cheap that it can outcompete theirs even after trade taxes have been paid. But if it’s unethical to eat British beef, it’s 100 times worse to eat Brazilian.

The past three years have been the most destructive in the Brazilian Amazon’s history. In 2004 26,000 sq km of rainforest were burned: the second- highest rate on record. This year could be worse. And most of it is driven by cattle ranching.

George Monbiot The Guardian, Tuesday October 18 2005

(6) Professor Ross Garnaut, the man asked by the Federal Government to help save the planet and reduce the impact of climate change, has published a 620-page report, which forecast higher electricity, gas, food and petrol prices for us all, predicted that unless a way is found to reduce livestock methane emissions, that iconic Australian animal, the kangaroo, could become a regular feature on our dinner plates.

Garnaut warned that food prices will rise to a point where households will move away from traditional beef and lamb, eat more chicken and pork and re-runs of Skippy will start being shown on the Food Channel.

There are an estimated 1.5 billion cattle on the planet, their four-chamber, bacteria-filled guts generating more than 100 million tonnes of methane, about 20 per cent of the emissions thought to be contributing to global warming.

Kangaroos, apparently, are far more polite dinner guests. « Australian marsupials emit negligible amounts of methane from enteric fermentation, » wrote Garnaut, who added that scientific modelling shows the potential for big reductions in our sheep and cattle numbers. These could be replaced at the same time by expanding the present population of kangaroos from 34 million to 240 million within 12 years.

http://www.garnautreview.org.au/chp24.htm

http://www.garnautreview.org.au/domino/Web_Notes/Garnaut/garnautweb.nsf

http://www.dailytelegraph.com.au/news/roo-not-for-our-bland-palates/story-e6frezz0-1111117646351

(accessed in September 2009)

(7) “Home” Yann Arthus-Bertrand, June 5, 2009 . Movie presentented worldwide, on multiple media, for the World Environment day.


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