Similitudes culturelles aux confins de l’archipel Indonésien
Bali, destination de rêve, havre de repos baigné par l’océan Indien, confins
de l’Indonésie, à l’extrême de la grande Java, est une vitrine lumineuse de culture orientale. Attirés par ses atours, amateurs de surf, de dépaysement ou de repos colonisent régulièrement les plages de cette île de la sonde (1). Déterminés à conserver l’originalité de leurs traditions, ses habitants se préservent encore du déferlement constant des influences étrangères. Ils maintiennent leur héritage et entretiennent un précieux capital éthnologique. Au delà du soleil, du sable et des vagues, le panthéon hindouiste (2), avec ses divinités, ses personnages mythologiques, ses nombreuses fêtes et rites religieux, attire et enchante les voyageurs.
La petite ville de Kuta, en bordure de mer, n’a pas résisté au modernisme. Au-delà de sa plage, dans ses hôtels et « guest houses », dans les magasins et échoppes, sur la route et dans les ruelles, l’animation est permanente. Souvenirs et artisanat adaptés aux goûts des touristes, copies de toutes sortes, particulièrement de films en vogue, panoplie complète des marques de « fast-food » et de prêt-à-porter s’exposent pour attirer les chalands. Ce paysage urbain serait monotone sans les taches d’exotisme formées par de petits temples hindous, îlots paisibles et colorés, dont la permanence s’oppose à l’éphémère commercial. Enracinés dans la tradition, gardiens des coutumes et croyances, ils assurent la continuité des coutumes, accueillant de nombreuses cérémonies rituelles, comme les offrandes quotidiennes de riz et de fleurs.
Dans un carrefour, au milieu de la ville, un petit temple est particulièrement en évidence. Je l’avais souvent regardé et visité sans prêter attention à une inscription dorée, gravée sur l’un de ses murs. Soudain, ce message en lettres dansantes m’apparaît familier. Il semble écrit en caractères thaïs,
comme pour souhaiter la bienvenue aux visiteurs siamois. La ressemblance avec l’écriture de Chiangmai, celle du Nord, de l’ancien royaume du Lanna, est encore plus frappante (3). « C’est l’écriture balinaise (4)», m’expliquent quelques passants. Elle était utilisée avant la romanisation des caractères, introduite avec la colonisation. De nos jours son emploi se limite aux inscriptions religieuses et à quelques noms de rues, mais ses bases sont encore enseignées dans les écoles.
Des milliers de kilomètres séparent la Thaïlande de l’île de Bali. Entre deux, tout s’écrit en caractères romains, rendant cette similitude plus étonnante. Quelques fidèles, rencontrés dans un temple, m’amènent un élément de réponse. Avec un large sourire ils affirment: « la Thaïlande, c’est aussi Bouddha ».
Dans cette île à forte prédominance hindouiste (2) je m’étonnais du nombre de représentations de Siddhārtha Gautama (6), disponibles dans leséchoppes pour touristes. Il ne s’agit pas seulement d’opportunisme commercial, car
les pratiques locales combinent réellement des éléments des deux religions. La parenté des écritures remonte donc aux racines de l’hindouisme et du bouddhisme. Couverts par les bouleversements de l’Histoire, les développements politiques et religieux ces liens se sont effacés lorsque l’Islam s’est imposé en Malaisie et en Indonésie.
De nombreuses écritures de l’Inde et de l’Asie du Sud-Est ont leurs racines dans la brahmi (5). L’empereur indien Ashoka, promoteur éclairé du bouddhisme, l’utilisa pour ses édits gravés dans le roc et sur des colonnes monumentales marquant des événements de la vie du Bouddha. Une joyeuse farandole de caractères arrondis donne son air de famille à ces écritures. La similarité s’arrête cependant à une impression visuelle. Des évolutions divergentes et des adaptations locales ont rendu ces alphabets incompatibles.
Parfois éloignés, antagonistes ou entremêlés, deux grand courants ont modelé les cultures, les croyances et les écritures d’Asie. L’Empire du Milieux (7) a étendu son influence depuis le nord et l’Inde des Aryens a propagé sa culture depuis l’ouest. Un troisième courant, lié à l’islam, a traversé le sous-continent indien, descendant jusqu’en Indonésie. Plus récemment, la colonisation occidentale a apporté de nouveaux bouleversements, modifiant encore les coutumes, les langues et les religions.
L’île de Bali n’a pas subi l’influence de l’Islam, l’hindouisme y est resté prédominant (3). La colonisation occidentale, par contre, a favorisé le remplacement de l’écriture locale par les caractères romains, utilisés dans toute l’Indonésie.
Birmans, Thaïs, Laotiens, Khmers et beaucoup d’habitants du sud de l’Inde reconnaissent des formes familières en comparant leurs écritures,
particulièrement dans les inscriptions des temples et les noms d’anciennes rues. Malheureusement, cette similitude ne permet pas de déchiffrer les messages car les alphabets ont subi des évolutions divergentes et les langues parlées sont totalement différentes.
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(1) Bali est la plus occidentale des îles de la Sonde, au sud l’archipel indonésien.
(2) Agama Hindu Dharma is the formal name of Hinduism in Indonesia. It is practised by 93% of the population of Balii http://www.nationmaster.com/encyclopedia/Balinese-Hinduism accessed 12.10.2008
(3) The Lanna script is a descendant of the Old Mon script like the Lao religious scripts and Burmese script. It was used during the time of the Lanna kingdom, founded in 1259 and conquered by Burma in 1558. http://www.omniglot.com/writing/lanna.htm Accessed 10.10.2008
(4) The Balinese alphabet or Carakan descended ultimately from the from Brahmi script of ancient India. http://www.omniglot.com/writing/balinese.htm. Accessed 10.10.2008
(5) Brāhmī est un terme qui fait référence aux membres pré-modernes de la famille des systèmes d’écritures brahmiques nées en Inde.
(6) The original name of the Bouddha
(7) Nom utilisé par les Chinois pour désigner leur pays (Zhong Guo).